Un spectacle grandiose est prévu mercredi sur le Zocalo, la place centrale de Mexico. Concerts, feu d'artifice et le fameux «grito», le cri que doit lancer le président en mémoire de l'appel du prêtre Hidalgo à l'Indépendance. Le budget est au rendez-vous: un peu plus de 30 millions d'euros. Mais le public risque d'être moins nombreux que les autres années, sécurité oblige. La ville de Mexico a mis en place 150 points de contrôle avec détecteurs de métaux. Et les policiers ont l'ordre de ne laisser entrer dans le centre-ville que 900.000 personnes. Le chef de la sécurité de la capitale a exhorté les habitants à regarder la cérémonie chez eux, à la télévision. Les festivités ont été annulées dans certains États du Nord.
«Nous n'avons rien à fêter.» David Padilla, président de l'association paysanne el Barzon, vit dans la région d'origine d'Emiliano Zapata et de ses idéaux: «La terre à ceux qui la travaillent.» Pour lui, «la situation est encore pire qu'avant la Révolution de 1910». Qu'ont à célébrer les Mexicains ce soir? C'est la question que pose aussi le film L'Enfer, sorti la semaine dernière pour le bicentenaire. Le réalisateur, Luis Estrada, y livre une satire impitoyable du Mexique d'aujourd'hui. «Un pays de crise, de chômage, de violence, clame un de ses personnages. Ici on est en guerre!» Le réalisateur affirme: «Si le Mexique n'est pas encore un enfer, il fait tout pour le devenir.» Vision partagée par Susana Chacon, coauteur du livre Idées et désirs d'une patrie: le Mexique dans le bicentenaire. «Ce soir, les gens célébreront peut-être une nostalgie du passé, mais pas un projet d'avenir.»
Pour Lillian Briseno, historienne et directrice de la section Humanités et Sciences sociales de l'université Tec de Monterrey, «il y a moins d'enthousiasme que les années précédentes». À cause du climat d'insécurité qui règne sur le pays - 28.000 morts en quatre ans. Mais aussi en raison du manque d'organisation. «Nous avons deux rendez-vous historiques cette année, le bicentenaire de l'Indépendance et le centenaire de la Révolution. Mais nous sommes en train de passer à côté faute de planification.» À J-1, même les rues du centre-ville étaient encore en travaux mardi. «En 1910, pour le centenaire de l'Indépendance, on s'y était pris des années à l'avance, rappelle Susana Chacon. De nombreuses constructions aujourd'hui symboliques de la ville de Mexico avaient été réalisées.»
Les deux historiennes regrettent «une occasion en or». «C'était une grande opportunité de repenser le Mexique, de mettre en place un projet national», dit Susana Chacon. «Beaucoup de Mexicains émigrent à cause de la pauvreté, mais aussi parce qu'ils ne croient plus en leur pays», ajoute Lillian Briseno.
Elles pointent du doigt les problèmes issus de la transition du pouvoir en 2000 entre le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et le Parti d'action nationale (PAN). Il y aurait un malaise du PAN face à un héritage historique qu'il lui est difficile d'exalter. «Les héros de la révolution, Pancho Villa, Emiliano Zapata…, sont les héros du PRI, explique Lillian Briseno. Le PAN se retrouve à devoir célébrer les figures historiques du parti d'opposition.»
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Mer 15 Sep - 9:18