Carcassonne: dans et hors les murs

Spectaculaire, la ville fortifiée de Carcassonne, citée par l'Unesco au patrimoine mondial, attire des milliers de touristes chaque année. Même hors saison, une foule de badauds envahit ses vieilles rues empierrées qui résonnent de l'écho de leurs conversations. Ils visiteront plus ou moins distraitement le château comtal, l'église de Saint-Nazaire et la cité elle-même, s'arrêteront peut-être pour déguster un cassoulet et repartiront vraisemblablement dans la journée, sans un regard pour la Bastide Saint-Louis, la «cité neuve» (qui date tout de même de 1260!), de l'autre côté de l'Aude.


C'est pourtant là que se déroule la «vraie» vie! Dans la vieille cité, en effet, il ne reste plus qu'une cinquantaine d'irréductibles habitants: la plupart des maisons abritent maintenant boutiques, maisons d'hôtes, restaurants et autres cafés.

Or, la Bastide Saint-Louis mérite vraiment qu'on s'y arrête - surtout le samedi matin, jour de marché.

Sur la place centrale, les éventaires se déploient avec une joyeuse anarchie, ici des huîtres de Bouzigues scandaleusement charnues et douces à 4,50 ? les sept (que le marchand vous ouvre en un tournemain, cric, crac!); là, des olives de Lucques, toutes petites, rondes, d'un beau vert jade, tendres et bien goûteuses; plus loin, des champignons sauvages (cèpes dodus, pleurotes dentelés), des kilomètres de saucisses, des fromages à faire damner...

On prendra plaisir ensuite à se balader dans les petites rues disposées en damier, qui n'ont apparemment pas changé depuis 750 ans (excusez du peu).


Le soir venu, la vieille ville se pare d'éclairages somptueux et ses rues redeviennent plus calmes. C'est le moment d'y entrer.

Dans ce quartier où le touriste s'attend généralement à se faire plumer, il se cache en effet une table étonnante tant pour sa qualité que pour les prix qu'on y pratique. Pierre Mesa (un nom prédestiné s'il en est: mesa, en espagnol, signifie «table» !) a racheté il y a 10 ans la maison où il a grandi pour y ouvrir Comte Roger.

Il y prépare une cuisine inventive, élégante, soignée; sa femme, Sylvie, y accueille les clients avec une gentillesse toute souriante. Servie en verrine comme c'est la mode, la mousse de carotte au cumin est une pure merveille, fine et savoureuse, tout à fait étonnante. Le tournedos Rossini, servi avec une réduction de banyuls, est un chef-d'oeuvre du genre.