Nostalgie d’appareils réputés historiques ou goût pour les design indémodables, le rétro est à la mode. Fujifilm et Olympus, en particulier, ont beaucoup capitalisé sur des looks évoquant des appareils anciens : le X-Pro1 lorgne du côté des télémétriques, les OM-D reprennent les angles des reflex à pentaprisme...
Les poids lourds des reflex ne semblaient guère attirés par ces retours vers le passé. Canon et Nikon continuent en effet à fournir des gammes de reflex aux lignes arrondies, en mettant en avant leurs écrans orientables et leurs modes vidéo. Dans cette vague de néo-rétro, seront-ils les derniers bastions du modernisme ? Nikon a décidé que non : la marque nous propose de revenir directement au début des années 80 avec son nouveau Df, un reflex anguleux, destiné uniquement à la photographie et bien équipé pour les réglages manuels.
Le premier coup d’œil sur le Df est plutôt sympathique. Son prisme taillé à la serpe, ses commandes manuelles, son capot gris (pour la version chromée, dont le pentaprisme reste recouvert façon croûte de cuir), tout cela fleure bon le temps des boîtiers mécaniques, indestructibles et capables de fonctionner sans piles, avec la seule énergie du pouce du photographe. Esprit des Olympus OM-1, Minolta SR-T101, Pentax MX et autres Nikon FM, es-tu là ?
À regarder de plus près, c’est en fait en héritier du Nikon FA que le Df se place. Pour mémoire, le FA était un appareil particulièrement sophistiqué, le premier à proposer les modes PSAM chez Nikon, et il affichait des indications d’exposition grâce à une couche de cristaux liquides dans le viseur — en 1983, c’était encore exceptionnel — et était le tout premier reflex à mesure d’exposition multizone.
Du FA, le nouveau Df reprend bien des choses, à commencer par la disposition des éléments : bague de sensibilité et correction d’exposition concentriques à gauche du prisme, barillet des vitesses à droite avec synchro-X et pose B séparées, deux commandes entre l’objectif et la petite poignée, la prise flash de studio au-dessus du verrouillage d’objectif, et même le filetage pour un déclencheur souple sur la commande de prise de vue. De face et de dessus, on s’y croirait, à un détail près : le levier d’armement laisse la place au sélecteur PSAM, libérant un espace pour un écran de contrôle minimaliste (vitesse, ouverture, capacités de la batterie et de la carte mémoire).
De dos, en revanche, l’illusion disparaît : le Df est bien un boîtier numérique, avec un large écran, des connexions USB, HDMI et télécommande, une série de touches de réglages, un trèfle de navigation... Il a également deux molettes de réglages, ce qui peut paraître un peu chargé puisqu’il dispose déjà de molettes dédiées à la sensibilité, à la correction d’exposition et à la vitesse d’obturation : il ne reste donc plus que l’ouverture à placer sur les deux molettes restantes...
La base électronique est celle du D4, avec un capteur format 24x36 mm de seulement 16 Mpxl (soit des photosites d’un peu plus de 7 µm). Comme le D4, le Df est ainsi capable de monter à 12 800 Iso nativement, et jusqu’à H4 en extension — soit un équivalent 204 800 Iso.
Il faut tout de même noter une différence : le Df a été étudié pour diminuer sa consommation électrique et augmenter son autonomie, un peu à la façon dont les premiers reflex électroniques pouvaient fonctionner de manière totalement mécanique en renonçant aux automatismes. Ici, c’est l’obturateur qui est modifié, réduisant la rafale à 5,5 im/s (contre 10 im/s sur le D4) et l’obturation au 1/4000 s.
Intéressant ? À voir : la batterie est la EN-EL14, qui équipe également les D3200 et D5200. Avec ses 7,7 Wh, celle-ci fait pâle figure face aux EN-EL15 du D7100, D610 et D800 (14 Wh), sans même parler de l’EN-EL18 du D4 (22 Wh !).
Nikon peut également faire valoir l’absence de vidéo, qui ravira ceux qui sont convaincus que cette fonction augmente le prix ou diminue l’autonomie des appareils. Mais en réalité, le Nikon Df conserve la possibilité de viser sur l’écran : dès lors, la consommation électrique est comparable à celle d’un enregistrement vidéo, et l’économie financière est douteuse puisque le processeur doit rester capable de gérer un flux continu de 30 images par seconde : seule la compression H.264 (en fait incluse dans les derniers processeurs) et la gestion du son sont évités...
Au final, le Df est ainsi un mélange de D4 et de D610, privé de certaines fonctions (vidéo) mais pas d’autres (LiveView), dont les ajouts ergonomiques viennent perturber la logique d’ensemble (les deux molettes de réglages des reflex numériques côtoient les barillets à l’ancienne des reflex argentiques), et qui veut améliorer l’autonomie en utilisant une batterie d’entrée de gamme... Le tout, pour 2 899 € avec un 50 mm f/1,8 G — donc une optique sans bague de diaphragme, sur un appareil visant les habitués du tout manuel...