La catastrophe écologique en Louisiane ravive les débats sur l'exploitation offshore du pétrole au-delà du cercle arctique.
A la fin du mois de mai, Leif Johan Sevland s'est rendu en Louisiane. Le maire de Stavanger, la capitale norvégienne du pétrole, voulait constater les dégâts causés par la marée noire provoquée par l'explosion de Deepwater Horizon, la plateforme de BP, dans le golfe du Mexique. "Cet accident ramène l'industrie pétrolière des années en arrière et donne des arguments solides à ses opposants", soupirait-il à son retour en Norvège. Pour ce responsable conservateur, "il sera beaucoup plus difficile d'argumenter en faveur de l'ouverture à l'exploration de nouveaux secteurs" au nord du royaume, qui est le 6e exportateur mondial de pétrole.
S'ils sont moins diserts, les cadres de l'industrie pétrolière nationale s'arrachent les cheveux depuis l'accident. Cela fait des années qu'ils plaident en faveur du forage au nord du cercle polaire arctique. Il en existe déjà quelques-uns. Mais dans la course à la production, et pour répondre à la demande, le secteur voudrait s'étendre à d'autres zones côtières prometteuses. Parmi elles, un joyau, l'archipel des îles Lofoten, qui vit de la pêche à la morue et du tourisme. Mais aussi les îles Vesterålen et Senja et la mer de Barents, au potentiel d'autant plus tentant que Norvège et Russie ont réglé, en mai, leur différend sur la délimitation de la frontière maritime.
Cet élan vers le nord se heurte à une forte opposition du mouvement pro-environnement. "La profondeur des eaux, les tempêtes et l'obscurité hivernale accroissent les risques d'accident", insiste Frederic Hauge, président de l'ONG Bellona. Tout dépend désormais du gouvernement. Son feu vert est nécessaire. Or la coalition de centre-gauche, réélue en 2009 pour quatre ans, hésite sur la marche à suivre.
D'un côté, elle compte sur les immenses recettes provenant du gaz et du pétrole pour financer l'avenir, une fois les réserves taries. Quasiment toutes ces rentrées sont placées dans un fonds souverain, le plus important d'Europe : 345 milliards d'euros ! De l'autre, Oslo se veut un modèle d'exploitation responsable et éthique de ses ressources naturelles. Son fonds d'investissement boycotte les entreprises "sales". Le pays finance des projets internationaux pour lutter contre le réchauffement climatique. Autoriser le forage dans des zones ultrasensibles collerait mal avec cette stratégie.
Face à ce dilemme, le ministre du Pétrole a pris parti. Le 18 juillet, il s'est dit opposé à l'arrivée de l'industrie pétrolière aux Lofoten. "Il serait dément d'ignorer la catastrophe américaine", a lancé Terje Riis-Johansen. Rien ne garantit que le ministre, épaulé par son collègue à l'environnement, soit suivi par la coalition gouvernementale, qui devrait trancher avant 2011. Or celle-ci est dominée par un parti travailliste bien implanté dans le Grand Nord, où l'exploitation des hydrocarbures signifierait plus d'emplois et de revenus. Pour Gro Braekken, la patronne de l'industrie pétrolière norvégienne, aucun doute : "Nous sommes en mesure de répondre aux exigences les plus élevées du gouvernement." Conviction sincère ou parole bravache ?