Hier, je vous invitai à goûter la Galette des Rois, et aujourd'hui je vous invite à goûter au fameux lapin.
Avant de vous mettre à vos fourneaux, je vous invite à prendre connaissance de ce que représente cette tradition :
Des origines qui remontent à plus de 700 ans L'origine de cette tradition n'est pas connue de manière précise mais sa plus ancienne trace remonte au XIIIème siècle.
Le moine Li Muisis - abbé de Saint-Martin à Tournai - écrit en 1281 : 'Selon une ancienne coutume, les citoyens les plus aisés et leurs fils se réunissent fraternellement autour d'une table ronde et élisent un roi'.
Le 'Lundi parjuré' ou 'Lundi perdu' que nous connaissons sous sa forme actuelle remonte à la moitié du XIXème siècle et n'a pas subi de modifications importantes sauf une tendance, née après 1945, à la célébrer en groupe, au restaurant, plutôt qu'en famille comme le veut la tradition.
Cette fête importante dans le calendrier tournaisien a toujours lieu le premier lundi après le 6 janvier, jour de l'Epiphanie(*).
La tradition de cette fête du lundi après les Rois remonte en fait à de très anciennes institutions judiciaires du Moyen Age, époque où les seigneurs fonciers avaient leurs propres justices et tenaient leurs propres assises judiciaires en présence de tous les dépendants de leur seigneurie appelés, au jour prescrit, par la cloche paroissiale ou, le cas échéant, par celle du beffroi.
Ces assises, appelées plaids généraux ou franches vérités , se tenaient en plein air, soit sur la place publique, soit même dans le cimetière qui, comme on le sait, entourait l'église paroissiale. Elles avaient pour but de découvrir les crimes qui avaient échappé aux autorités judiciaires. Ceux qui avaient connaissance de meurtres, brigandages, incendies criminels, vols, viols, calomnies, usure, etc... étaient tenus de les déclarer, d'autant plus que serment avait été prêté, qu'on avait, selon l'expression de l'époque juré sur les saints. La date de ces assises était, presque partout, fixée au lundi qui suivait l'Epiphanie que l'on trouve appelé, dans certains textes du Moyen Age, parjure deluns (de dies lunae, jour de la lune).
Le parjure des rois mages ?
Le sens à donner au terme 'parjuré' a suscité plusieurs explications. Certains font référence aux rois mages qui se sont parjurés en ne revenant pas, comme ils l'avaient promis, afin de préciser à Hérode où ils avaient trouvé l'Enfant Jésus! Explication pour le moins fantaisiste! D'autres, faisant référence aux plaids généraux ou franches vérités et pensent que, ce jour-là, certains se parjuraient, malgré leur serment, pour ne pas avoir à se dénoncer l'un l'autre!
Il est plus que probable que le terme 'parjuré' a rapport avec la morale, c'est-à-dire avec le serment prêté. On peut très bien donner à parjurer le sens de jurer solennellement, le préfixe 'par' marquant l'idée de perfection, ainsi qu'il en va pour les verbes parachever (achever parfaitement), parfaire (achever convenablement) ou encore parfournir (fournir en entier). Le jour parjuré était donc celui où l'on devait prêter le grand serment, le serment total.
Quant au terme 'lundi perdu', il signifie très simplement que ce jour était perdu pour tous les travaux. En effet, ce lundi-là, le travail était suspendu partout: usines, ateliers et bureaux étaient fermés. On ne va plus jusque là aujourd'hui, mais 'faire lundi perdu' reste néanmoins une tradition très vivace observée par une très large majorité de la population.
Le repas de ce lundi est une survivance de la grande bombance (bonne chère abondamment servie) à laquelle le seigneur et son personnel judiciaire se livraient à l'issue du plaid et à laquelle participaient les manants eux-mêmes non sans avoir, au préalable, payé leur écot en argent ou en nature!
Bibliographie : Mémoire de la Wallonie, Tournai-Tournaisis, Lucien Jardez (+), D1989/0197/08. Ministère de la Culture et de la Communication (France).
(*)Epiphanie : Les Romains fêtaient les Saturnales - célébration du règne de Saturne, dieu des semailles et de l'agriculture - pendant 7 jours, du 17 au 24 décembre. Elles étaient la manifestation de la fête de la liberté (libertas decembris) et du monde à l'envers. Jour de liberté des esclaves à Rome, ces derniers devenaient les maîtres et les maîtres obéissaient aux esclaves. On avait déjà pris l'habitude d'envoyer des gâteaux à ses amis. Sous l'ancien régime, on l'appela 'gâteau des Rois' car cela tombait en pleine période des redevances féodales et il était d'usage d'en offrir un à son seigneur. C'est le concordat de 1801 qui fixa la date de l'épiphanie (qui signifie 'apparition') au 6 janvier. L'Epiphanie commémore la visite des trois rois mages, Melchior, Gaspard et Balthazar venus porter les présents à l'enfant Jésus: de la myrrhe, de l'encens et de l'or. L'Epiphanie conserve de nos jours cette tradition du 'gâteau des Rois', devenu 'galette des Rois' dans lequel une fêve est dissimulée. Le convive qui reçoit le fêve est déclaré le Roi. Fin du 20ème siècle, les autorités religieuses décident de célébrer l'Epiphanie un des deux premiers dimanches de janvier.
Source : Ville de Tournai - Cellule Internet - 2005.01. Copyright
2004 Ville de Tournai - réalisé par 2its - Charte respect de la vie privée - Plan du site - 88168412 hits
Les différents plats du Lundi Parjuré ou Lundi Perdu Le premier plat : la petite saucisse Elle est servie avec de la compote ou du chou cuit au saindoux. Et pas de saucisse à bâtons qui est, certes, un plat tournaisien, mais que l'on ne sert pas traditionnellement ce jour-là.
Le second plat : le lapin aux preones et aux raisins Aussi appelé : le lapin à la tournaisienne.
Ingrédients : un lapin - des oignons - du sel et du poivre - un filet de vinaigre - un peu de cassonade (facultatif) - du thym - du laurier - du beurre - des prunes sèches et des raisins secs.
La recette : On fait roussir dans une casserole - en fonte de préférence - les morceaux de lapin et les oignons. On ajoute l'assaisonnement puis on arrose d'eau.
Pour bien respecter la tradition, la cuisson du lapin se fait toujours à l'eau et jamais à la bière, ni au vin,même si c'est meilleur! N'oublions pas qu'il s'agit d'un plat de pauvres à l'origine.
Le lapin va mijoter, guernoter doucement en patois tournaisien. Il sera cuit quand la viande se détache des os mais le lapin ne doit pas se démêler. On ajoute les pruneaux et les raisins que l'on fait gonfler préalablement dans l'eau bouillante. On le sert avec des pommes de terre vapeur et jamais avec des frites ou croquettes. On peut le manger en buvant du vin.
Le troisième plat : la salade tournaisienne Ingréditents : salade de blé (mâche) - oignons cuits au four avec la pelure mais épluchés par la suite - pommes - chicons - choux rouge au vinaigre - haricots - assaisonnement.
A cette recette de base, on peut ajouter les ingrédients suivants : pissenlit - céleri-rave - betterave rouge - barbe de capucin. Mais pas de noix, de lardons, de dés de fromage qui sont des fantaisies de notre époque.
On ajoute l'assaisonnement et on fatigue bien la salade. Celle-ci se mange avec du mutiau (*) ou du jambon.
Dessert : la galette Pour terminer, on sert la galette des rois avec la fève.
(*)mutiau : Spécialité tournaisienne mangée lors du Lundi Perdu. Tête pressée finement hachée et garnie d'ail et de persil.
BON APPETIT et bienvenue à Tournai