Le tourisme après le Printemps arabe

Les pyramides sont pratiquement désertes. Tout comme les tombeaux de la Vallée des Rois et le temple de Louxor. Neuf mois après les manifestations du printemps arabe qui ont fait fuir les touristes, les sites historiques d'Égypte demeurent peu fréquentés.

Pourtant, la vie a repris son cours normal en Égypte. Les attractions touristiques sont ouvertes aux visiteurs et les services fonctionnent normalement. Les Égyptiens sont souriants. Les policiers sont omniprésents dans tous les coins de la ville et les mesures de sécurité sont appliquées avec rigueur dans tous les endroits publics, dont les hôtels. Bref, toutes les mesures sont prises pour rassurer la population et les visiteurs.

«Le Caire n'est pas une ville violente. Dans la plupart des quartiers, on peut sortir le soir sans crainte», affirme Magdy Edward, directeur de l'agence Sylvia Tours.

Mais l'incertitude politique est un handicap majeur pour l'industrie du tourisme. Les voyageurs ont déserté le pays à la fin de 2010, avant même le début des manifestations. Selon le ministère du Tourisme, 4,1 millions de vacanciers ont visité l'Égypte entre janvier et juin 2011, comparativement à 6,9 millions pendant la même période l'an dernier. Pour un pays dont le tourisme est la deuxième source de revenus (après le canal de Suez), ce manque à gagner fait mal. Il affecte le dixième de la population puisque 8 millions d'Égyptiens dépendent directement ou indirectement du tourisme.

Chute de prix

C'est le tourisme culturel qui a connu la baisse la plus dramatique. Le taux d'occupation dans les hôtels du Caire a littéralement fondu, entraînant des chutes de prix allant jusqu'à 45%. Selon l'Hotel Price Index (HPI), d'hotels.com, depuis l'an dernier le prix moyen d'une chambre d'hôtel en Égypte est passé de 117,90$ à 65,25$. Les hôtels indépendants ont été les plus touchés et plusieurs ont dû mettre à pied un certain nombre d'employés. Pour leur part, les grandes chaînes d'hôtel ont essayé de maintenir leurs prix en y incluant des services supplémentaires et en offrant des forfaits attrayants.

Après Le Caire, c'est la vallée du Nil qui est la plus touchée. À la mi-septembre, seulement 71 des 180 bateaux accrédités croisaient sur le Nil, de Louxor à Assouan. Et leur taux d'occupation ne dépassait pas les 70%. L'aéroport d'Assouan demeure silencieux tandis que des dizaines d'embarcations sont amarrées le long de la rive en attendant les touristes.

«Ça reprend peu à peu», dit le guide Mahmoud Awad Ibrahim qui, faute de clients, n'a pas travaillé pendant sept mois (de février à août). En septembre, il a accompagné deux groupes seulement, mais demeure tout de même confiant pour les mois à venir.

Les paquebots des grandes compagnies de croisières qui avaient rayé l'Égypte de leur itinéraire au début de l'année commencent à revenir. Et des étrangers qui rêvaient de visiter l'Égypte depuis des années décident d'y aller maintenant afin de profiter des prix avantageux. Sans compter que les visites sont plus agréables quand il n'y a pas foule.

Reprise

La plupart des travailleurs du secteur touristique s'attendent à une forte reprise... mais après les élections seulement. Le premier tour des législatives aura lieu le 28 novembre prochain, et l'élection de la Choura (Sénat) débutera le 29 janvier 2012.

Toutefois le ministère du Tourisme n'a pas attendu pour lancer une vaste campagne de promotion, mettant l'accent sur la diversité des produits touristiques et la sécurité.

Les luxueux complexes de la région de Charm el-Cheikh, sur les bords de la mer Rouge, souffrent beaucoup moins de l'incertitude politique. Des vols nolisés en provenance de plusieurs pays d'Europe y amènent des centaines de vacanciers chaque semaine. Autre secteur en pleine expansion: le tourisme religieux. D'Alexandrie à Assouan, l'Égypte compte des dizaines de monastères qui offrent le gîte et le couvert à prix modiques.

Il y a aussi le tourisme spirituel, dont les adeptes vont méditer dans les pyramides et autres centres d'énergie du pays, les safaris dans le désert, les vacances spa et golf, le tourisme médical, etc. On veut également réinstaurer une croisière sur le Nil à partir du Caire.

«L'Égypte est le berceau de la civilisation, rappelle Magdy Edward. Une fois la stabilité retrouvée, le pays saura exploiter son immense potentiel touristique.» Il y a fort à parier que tous les touristes voudront aussi visiter la place Tahrir qui a acquis une nouvelle renommée pendant le printemps arabe.