Reims, au pays de l'effervescence

Noël approche. Fête religieuse pour certains. C'est le début d'un temps de réjouissances. En famille ou entre amis. Dans le respect ou non des traditions. Ce qui n'empêche pas de se souvenir, de se rappeler les bons moments, avant de lever nos verres au bonheur de tous. Bienvenue à Reims !

Pourquoi Reims? Parce que cette ville de quelque 200 000 habitants, située à 140 kilomètres au nord-est de Paris, réunit tout ce qu'il faut pour célébrer.

Sa cathédrale est un pur joyau de l'art gothique. Elle a 800 ans cette année. Pour l'occasion, des travaux de restauration ont notamment rajeuni des statues qui s'étaient perdues au fil des ans dans la grisaille. C'est le cas du célèbre Ange au sourire. Oui, les anges souriaient au Moyen Âge.

Et souvent les saints aussi. Seules les gargouilles, ces étranges sculptures en forme d'animaux, qui servaient à évacuer l'eau de pluie, avaient des têtes effrayantes.

En plus de son tramway tout neuf qui accélère les déplacements, Reims possède une autre richesse. Elle est située en Champagne, région qui a donné son nom au délicieux vin à bulles.

Les grandes maisons sont toutes là et, parmi elles, Mumm, que les Québécois connaissent bien. C'est à un moine de l'abbaye d'Hautvillers, Dom Pérignon, qui a eu la même longévité que Louis XIV (1638-1715), qu'on attribue la découverte de l'effervescence. Jusque-là, le vin était, selon l'expression consacrée, tranquille.

Les liens, entre l'Église de Champagne et la royauté, partent de loin. Clovis fut baptisé à Reims en 498. Parmi les 2303 statues qui ornent la cathédrale, il s'en trouve une sur la façade occidentale qui décrit l'événement


Des dizaines de rois sacrés

Par la suite, 30 rois furent sacrés par l'archevêque de Reims, dont 25, incluant Charles X en 1825, dans l'actuel lieu de culte. À voir absolument, quand cela ne serait que pour l'harmonie, la beauté des formes, la légèreté de la structure, malgré les dimensions : 38 mètres de hauteur.

À l'intérieur, les vitraux signés Chagall retiennent l'attention. Tout à côté, se sont ajouté cette année ceux de l'artiste allemand Imi Knoebel, aux couleurs vives, très modernes. Ils se marient bien avec l'ensemble.

Reims a lourdement souffert de la guerre 1914-1918. Bombardée, incendiée, la cathédrale a failli être complètement anéantie.

Il a fallu 20 ans pour lui rendre la vie. Les sculptures trop endommagées ont été remplacées par des copies. Les originaux sont conservés au Palais du Tau, l'ancien archevêché transformé en musée.

Outre son contenu, l'édifice mérite d'être vu. On y conserve notamment la grande salle des banquets royaux. Après les cérémonies religieuses, on ne se privait pas de faire bonne chère. Et, depuis que le champagne existe, rien n'interdisait non plus de boire à la santé du roi.


Un milliard de bouteilles

«L'excellence de la grappe à la flûte!» De Reims, nous allons vers Épernay par des chemins vallonnés qui traversent les vignobles. Avenue de Champagne, face à l'hôtel de ville, Moët & Chandon, maison fondée en 1743, impose son prestige. La fameuse marque, Dom Pérignon, qui ne fabrique que du champagne millésimé (c'est-à-dire avec les jus d'une seule et même année, toujours inscrite sur la bouteille), lui appartient.

Moët & Chandon se vante d'avoir été le fournisseur officiel de la cour de Versailles. Un pavillon, d'ailleurs ouvert aux visiteurs, a été construit et aménagé sur le modèle du Petit Trianon. Par la suite, c'est avec Napoléon Bonaparte que des liens furent créés. D'où la galerie impériale, bordée de caveaux remplis de vin mousseux en cours de vieillissement.

Selon les statistiques locales, un milliard de bouteilles reposent ainsi dans les caves de Champagne, lesquelles s'étendent sur plus de 200 kilomètres.

Durant la Première Guerre mondiale, elles ont servi de refuge à la population. Que nous soyons chez Moët & Chandon, à 25 mètres sous terre, ou chez Mumm à Reims, qui date de 1827, les caves se ressemblent. Elles ont été creusées dans la craie, ce qui maintient la température à 10 degrés et un taux d'humidité de 80 %


Chacun son histoire

Chaque maison a néanmoins sa propre histoire qu'elle met en valeur. G. H. Mumm, le fondateur, a ajouté à son nom l'étiquette Cordon Rouge. Coup de marketing qui s'avère encore aujourd'hui payant.

Le proprio avait ses entrées à la cour d'Angleterre. Sa devise était «Seulement le meilleur!»

Mais pour le reste, d'une visite à l'autre, les informations se recoupent. Raisins cueillis à la main. Pressurage sur place. Double fermentation. C'est au cours de la deuxième, sous l'action des sucres et de la levure, que le vin devient pétillant. Mise en bouteilles. Remuage, qui consiste à les tourner pour que le dépôt (la lie) remonte dans le goulot. Autre opération qui, du moins pour les meilleurs crus, se fait manuellement. Dégorgement (enlever le dépôt). Et ajout de liqueur de dosage, qui définit si le champagne sera brut, extra-dry, sec ou demi-sec.

Les champagnes les plus raffinés auront connu jusqu'à 12 ans de maturation, avant que le bouchon saute. Ça aide à comprendre pourquoi ils coûtent cher.

À notre tour maintenant de goûter à l'élixir. Joyeux Noël !