Au-delà des clichés des saucisses, de la Fête de la bière et des courses à prix cassés chez Aldi ou Lidl, l'Allemagne se targue aussi d'être devenue un bastion de la haute cuisine.
Le pays figure depuis 2007 au deuxième rang gastronomique européen derrière la France en termes de distinctions du guide Michelin, avec 9 restaurants trois étoiles et 32 restaurants deux étoiles cette année, 10 de plus que l'an dernier, un nouveau record.
Le nombre de «une étoile» a également augmenté de 205 à 208 établissements, parmi lesquels 23 ont décroché cette année le sésame pour la première fois. Et les restaurants primés ne se comptent plus seulement dans le sud du pays, à la culture gastronomique plus établie, mais aussi dans le nord et à Berlin.
«Jamais l'Allemagne n'avait une cuisine aussi bien faite et ambitieuse qu'aujourd'hui» se réjouit Madeleine Jakits, la rédactrice en chef du mensuel Der Feinschmecker (Le Gourmet), le magazine allemand de référence en gastronomie.
Le secret des chefs d'outre-Rhin? «Ils ont naturellement appris sur la base de la cuisine française mais ils s'en sont émancipés», ont travaillé loin à l'étranger comme à Singapour ou Dubaï, et font désormais de la haute cuisine avec des produits allemands, explique M. Jakits.
«Nos restaurateurs ont davantage confiance en eux», affirme aussi Robert Oppeneder, président de la fédération allemande des chefs cuisiniers (VKD). «La cuisine régionale est tout aussi variée qu'en France, et lorsqu'on y ajoute une touche internationale, c'est sublime», vante-t-il.
Frank Rosin, 45 ans, fait partie de cette nouvelle génération de chefs allemands décomplexés. À Dorsten, bourgade de l'ancien bassin minier de la Ruhr (ouest), plus connu pour ses hauts fourneaux que pour ses fours de cuisine, son restaurant a gagné cette année sa deuxième étoile Michelin.
Dans son menu de saison on trouve par exemple en entrée des asperges -légume vedette en Allemagne chaque printemps- accompagnées de saumon royal et d'amandes au curry. En plat principal, du canard à l'orange avec du chou braisé, autre légume très apprécié dans le pays, saupoudré d'une mousse de poivre blanc.
Une haute cuisine abordable«Ma génération a encore appris de chefs nés dans les années 1930 et 1940. Ils nous disaient: ''Voilà comment on cuisine, et pas autrement''. Nous ne voulions plus de ça» raconte cet homme passionné.
«Etre un chef étoilé signifie que je suis un leader dans ma branche, culturellement et professionnellement parlant, et à ce titre j'ai une responsabilité envers le chou frisé et la goulache, pas seulement envers le caviar et les truffes», explique-t-il.
Très actif à la télévision allemande dans des émissions culinaires populaires, il a le souci de démocratiser la haute cuisine, qui «doit être abordable financièrement et ne pas faire peur» selon lui. Ses menus sont proposés à partir de 49 euros.
Malgré tout, la haute cuisine demeure en Allemagne un «sujet élitiste» et quand ils veulent du haut de gamme, les Allemands privilégient généralement la voiture plutôt que leur assiette, déplore Mme Jakits.
Et si la triste époque des années 1970 où il était impossible de trouver du basilic ou de la crème fraîche dans le pays est révolue, les chefs s'approvisionnent encore régulièrement à l'étranger pour obtenir le nec plus ultra.
«On essaie en priorité de trouver des produits allemands, mais ce n'est pas toujours possible», admet Otto Hendrik, le chef du restaurant berlinois Lorenz Adlon qui vient lui aussi, à 38 ans, de décrocher sa deuxième étoile Michelin. Il fait venir son poisson de... Bretagne !