Comme la plupart de mes compatriotes, qui paient sensiblement plus d'impôts que leurs voisins du sud, je suis fatigué de voir mon pays injustement montré du doigt par les autorités, les médias, et l’opinion françaises. Voilà pourquoi je réagis ici et rien que pour cela car, au demeurant, je ne suis nullement affecté par l’impôt sur la fortune (ce qui ne m’empêche pas de la condamner pour le principe).
Monsieur Depardieu, Monsieur Hallyday ou Monsieur Arnault, et autres familles célèbres du CAC40 ou du monde des affaires de France pour ne citer qu'eux, ont, comme tout citoyen européen, le droit fondamental de s'établir où bon leur semble en Europe et ce quelles que soient leurs motivations. On ne peut pas demander à la fois davantage d'harmonisation en Europe, ou railler celle-ci quand elle n’y arrive pas assez, et, dans le même temps remettre ouvertement en cause l'une des libertés européennes les plus essentielles. Enfin, si Monsieur Hollande veut vraiment renégocier la convention préventive de double imposition, il peut toujours proposer que la France reprenne à sa charge l'intégralité des dettes liées à l'affaire Dexia. Après tout, c'est bien la branche française du groupe Dexia qui était, pour l'essentiel, à l'origine des déboires du groupe, et c'est l'impôt des Belges qui va servir à combler les trous. Et si la Belgique peut être débarrassée du fardeau Dexia, alors Depardieu aura plus que mérité de devenir belge!
Faisons un peu de didactisme fiscal franco-belge, ça me semble indispensable…
Car, contrairement à une légende, ce qu’on VEUT vous faire croire, la Belgique n'a rien d'un paradis (fiscal ou autre). Eh non, et croyez bien, mes amis que le bon peuple ne demanderait pas mieux.
L'arrivée de Gérard Depardieu dans l'ancienne maison des douanes (ou n’importe quelle autre) du petit village de Néchin, n'en finit décidément pas de susciter des réactions épidermiques qui bien souvent témoignent du manque flagrant d'information de leur auteur. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple parmi d’autres, Line Renaud (que nous aimons bien) tentait récemment d'expliquer au journal parlé de notre RTBF que le choix de son ami Gérard pour la Belgique s'expliquerait peut-être par le fait qu'on n'y paierait pas de droits de succession ! Prudente la Line…
Rectifions quelque peu ces approximations
1) Madame Renaud ignore donc que si Gérard venait à décéder inopinément - il a quand même déjà subi un pontage coronarien -, ses héritiers pourraient, s'il s'agit de parents éloignés ou d'étrangers, payer en Belgique jusqu'à 80% de droits de succession sur tout ce qui dépasse 75.000 euros !
2) Madame Renaud ignore sans doute aussi que si, au moment de son décès, Gérard possédait encore son bel hôtel particulier ou tout autre bâtisse de valeur, dans le 6e ou à Makaleu-sur Seine les droits de succession belges seraient dus sur la valeur de cet immeuble (sous déduction toutefois des droits de succession français).
3) Enfin, Madame Renaud ignore très certainement que, s'ils sont imposables en Belgique, les revenus professionnels de Gérard Depardieu seront taxés à +/-54,25% (soit 50% +X% d'additionnels locaux dans la belle commune d'Estampuis/Néchin ; les additionnels variant dans chaque commune) sur toute la partie de son revenu annuel qui dépasse déjà 36.300 euros. Autant dire que ça va saigner.
4) Bien sûr, la Belgique ne connaît pas, comme tel, l'impôt sur la fortune. Nous avons cependant un impôt sur la fortune immobilière, subtilement camouflé sous l'appellation de "précompte immobilier" et dont le montant est proportionnellement bien plus élevé que celui de la taxe foncière française et ce, quel que soit votre statut de fortune. Exemple, je paierai (jusqu’à la fin de mes jours) + de 1300 euros l’an pour une maison (qui n’a rien d’un palace du 6e ) et qui est déjà entièrement soldée ! Ce précompte immobilier s'ajoute en outre à l'impôt sur les revenus immobiliers (lesquels sont globalisés avec les revenus professionnels et donc imposés aux taux peu sympathique évoqué ci-avant).
5) Nous avons un impôt différent sur la fortune, qui est prélevé une fois par génération sous la forme de droits de succession, il est parmi les plus élevés d'Europe (30%, entre époux ou en ligne directe, sur tout ce qui dépasse 500.000 euros, la résidence principale n'étant d'ailleurs pas exemptée, sauf en Région flamande et entre époux).
Tout cela pour dire que s'il y a bien quelques avantages, comme la non-imposition des plus-values mobilières ou la possibilité de faire des donations mobilières à des taux abordables, la Belgique n'a RIEN d'un paradis fiscal. Le faire croire à nos amis français est probablement la dernière blague belge à la mode. Enfin, la Belgique connaît aussi des difficultés budgétaires mais, à la différence de la France, elle n'a pas attendu la crise pour taxer - très lourdement d'ailleurs - ses concitoyens au travail ou pas, même les moins favorisés. Nous sommes donc accoutumés à raquer au bassinet et, comme on dit chez nous, "on fait avec", plus par résignation que par patriotisme. Notre endettement se situerait actuellement autour de 70%...
La Belgique ne cherche pas à faire payer le déficit de ses finances publiques par les autres et nous avons commencé à le constater, et surtout les rembourser, il y a bien longtemps. Quant à la « protection sociale » votre Sécu est très généreuse par rapport à la nôtre. La Belgique, ce n'est pas comme la France qui augmente les accises sur la bière (dans une large mesure, importée de Belgique), mais non sur le vin (produit en France exporté en Belgique); elle n'est pas comme la France qui veut taxer plus lourdement les résidences secondaires des étrangers, dont celles de beaucoup de Belges qui adorent malgré tout ce pays.
PS:
Je n'ai évidemment rien de personnel à l'encontre Gérard Depardieu, et comme bien des cinéphiles j'imagine, j'ai apprécié l'acteur à l'occasion; j'aime moins ses extravagances, moins encore ses gros mots faciles (en un mot sa grande gueule), mais soit, nous avons tous nos travers et lui en a, sans doute, à la mesure de sa stature.
Que le contribuable français, nanti ou rentier, se plaigne d'être taxé à 80% ou plus sur une partie trop importante de ses gains, je puis parfaitement le comprendre, c'est scandaleusement élevé. Personne n'aimerait payer des taxes à ce niveau-là. Ni vous, ni moi. Mais la rage taxatoire n'est pas un constat qui ne concerne que vous, elle a lieu dans beaucoup de pays d'Europe, et chez nous en particulier sur les salaires, même les plus bas, les revenus du travail. Quand il y en a.
« L’ affaire Depardieu » n’en est pas une. Elle met, en réalité, sous la lumière aveuglante, les plaies de nos États, elles sont désormais à vif et il n’existe pas de baume indolore. Le fait est que nos États sont dans un état (je ne fais pas d'humour ici) de décrépitude qui doit nous inquiéter sérieusement; en tout cas moi je m'en inquiète parce que, retraité, je n'ai plus aucun levier d'action; à ma connaissance il n'existe aucun syndicat de pensionné. Le retraité n'existe plus pour la société, désormais c'est juste le bénéficiaire d'une "pension" et je ne sais pas s'il faut vraiment aimer ce terme, ça fait déjà grabataire avant terme !
Depuis les années 60, nos dirigeants ont dépensé sans compter, promu et entretenu un train de vie immodéré, engagé des fonctionnaires à la pelle parce qu’un fonctionnaire égale une voix, emprunté à tort et à travers en pensant que les années glorieuses allaient durer. Aujourd'hui, la note est sous nos yeux, elle est salée et nous n'avons encore rien vu. Le pire est encore à venir, en 2013, vous ne verrez que des fermetures. Sans compter la situation née des aléas se succédant depuis les années Bush+2001, sans parler des "subprimes". Ce n'est que la tête de l'iceberg qui dérive vers nous. Je ne sais ce que vous pensez -de la manière dont nos dirigeants agissent en conséquence de tout cela- mais moi, je vous le dis tout de go, ils me font l'impression d'être des cancres du fond de la classe alors que la plupart d'entre eux sont sortis d'écoles renommées, en majorité ils sont intelligents, si si, ils ont été formés, drillés, et adoubés à la gestion de l'État. Mais ils n'ont PAS de solution. Aucune solution.
Expliquez-moi une chose: comment dans un pays où les gens "normaux" représentent 95% et les riches 5% de la population, un consensus ne puisse être trouvé sur la taxation des ces derniers ? C'est une question intéressante dont la réponse serait trop complexe pour que l'humble puisse la comprendre ? Non, bien sûr que non, mais le politique est trop frileux pour oser. Parce qu'il fait partie de ces "élites" ?!
Revenons une dernière fois de notre côté de la frontière.
Dans le cadre belge, la première chose à noter est que, même si le S.P.A. et le P.S. (nos seuls partis de gauche puisque les communistes sont moribonds) font parties de l’exécutif, le gouvernement est clairement de centre droit. Cela est dû au jeu des coalitions (vous échappez à ce jeu de dupes en France). Même si vu du côté francophone on a l'impression d'être dirigé par la gauche, dans les faits la Flandre a clairement voté pour une majorité de partis qui défendent une politique de droite. Le poids de ces derniers est clairement majoritaire au sein du gouvernement. C'est pourquoi dans les différentes mesures dernièrement adoptées pour faire face à la crise, on constate une accentuation de la chasse aux chômeurs (dégressivité des allocations, rejet, chasse aux 'profiteurs', etc.), restrictions des allocations, des mesures visant à une modification de la TVA (et bien d'autres) et un statu quo sur le régime fiscal. Les socialistes boivent la tasse et le café est amer. En quoi les vôtres seraient-ils différents, ils font face au même dilemme. S’attendaient-ils à une voie royale ?
Vous voyez donc, ami français, que pour des raisons idéologiques, chez nous l'électeur (à 60% flamand) a voté pour une politique conservatrice donc en faveur des nantis. Le résultat est que la Belgique s’aligne sur toutes les recommandations de la Troïka (BCE, FMI et Commission Européenne) et mène une véritable politique néo-libérale tempérée par quelques mesurettes de la gauche. Dans ces conditions, on est en droit de se demander pourquoi la population reste stoïque et ne monte pas aux barricades pour défendre ce que nous appellerons la justice fiscale. Pourquoi notre riche-patrimonial ne contribue-t-il pas à l'effort collectif et à l'entretien de la société ? Simplement parce qu'une grande majorité de la population est perpétuellement matraquée dans les médias et à la télé par un discours néo-libéral et qu'elle a inconsciemment intégré ce mode de pensée. On en arrive à des situations paradoxales où le patron de PME se sent solidaire des multinationales, où l'employé de bureau est forcé de se faire presser comme un citron pour augmenter les dividendes de l'actionnariat, où une personnes se rend responsable d'être au chômage après vingt ans de travail alors qu'elle a simplement été "dégraissée" pour de basses raisons boursières, etc. Il suffit d'ailleurs de lire certains commentaires sur les forums pour se rendre compte à quel point une partie des intervenants sont endoctrinés. Je ne suis ni anarchiste, ni anti patronal, ni viscéralement anti libéral, mais les chemins que prennent nos gouvernements ne nous mènent qu'au fiasco.
Invité !.gif)
Sam 22 Déc - 15:06
